1Dans Son Livre, paru en 2011, Dionigi Albera critique un certain nombre de notions classiques des Ă©tudes sur la parentĂ© comme celles de famille, mĂ©nage, famille nuclĂ©aire, famille communautaire et, particuliĂšrement, celles de famille souche et de maison », quasi-personnages » qui ont Ă©tĂ© essentialisĂ©s par les chercheurs. Albera dĂ©monte les origines idĂ©ologiques rĂ©actionnaires et autoritaires de la conception de la maison » paysanne transmise Ă un hĂ©ritier unique, tant en France quâen Autriche, en Allemagne et en Suisse. Cette vision substantialiste dâune forme domestique paysanne dirigĂ©e par un chef de famille omnipotent, et dâune unitĂ© de production et de consommation Ă tendance autarcique, a Ă©tĂ© inconsidĂ©rĂ©ment Ă©tendue et appliquĂ©e Ă de multiples contextes. La notion de maison » charrierait dĂ©sormais de tels prĂ©supposĂ©s liĂ©s au cadre narratif implicite qui est le sien quâelle serait devenue un obstacle Ă©pistĂ©mologique favorisant irrĂ©mĂ©diablement une essentialisation du rĂ©el » Ibid. 62 ; il vaudrait donc mieux sâen passer. Albera prĂ©fĂšre construire son propre outillage conceptuel Ă partir dâanalyses denses, locales et contextualisĂ©es, dont la gĂ©nĂ©ralisation ne peut se faire que progressivement et dans une aire gĂ©ographique limitĂ©e. Câest ainsi quâĂ partir dâĂ©tudes concernant les Alpes autrichiennes, il construit lâidĂ©altype Bauer », systĂšme de relations centrĂ©es sur le domaine transmis intĂ©gralement dâune gĂ©nĂ©ration Ă lâautre », dans lequel [l]e rĂŽle public du dĂ©tenteur dâun domaine est Ă la base de lâarticulation sociale de la communautĂ© » Ibid. 475. 1 Les communications en ont Ă©tĂ© publiĂ©es cf. Minard et al. 2002. 2 AndrĂ© BurguiĂšre 1986, 2006 voit dans lâanthropologie historique le simple accomplissement du prog ... 3 Pour une synthĂšse des remises en cause et des Ă©volutions de lâanthropologie de la parentĂ©, cf. Chan ... 2La force critique et Ă©pistĂ©mologique du livre de Dionigi Albera est grande, mais lâauteur est le premier Ă remarquer que, derriĂšre le type Bauer », se retrouvent les Ă©lĂ©ments fondamentaux de la maison » telle quâelle a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e et reconnue par les anthropologues dans de nombreuses sociĂ©tĂ©s Ă travers le monde. Ne pourrait-on pas alors penser quâil sâagit bien dâune structure fondamentale parmi les organisations domestiques ? Cet article ne prĂ©tend pas rĂ©pondre Ă cette question, mais explorer une autre voie pour dĂ©sessentialiser » le terme de maison », une voie critique interne, reprenant lâhistorique de ses usages, tant en anthropologie quâen histoire. Il y a lĂ un moyen de participer au renouveau dâune interdisciplinaritĂ© dont les intervenants Ă la table ronde organisĂ©e en 2002 par la SociĂ©tĂ© dâhistoire moderne et contemporaine, intitulĂ©e Histoire et anthropologie nouvelles convergences ? »1, sâaccordaient Ă souligner la richesse, mais aussi les difficultĂ©s. Il est vrai que, objet de nombreux travaux dans les annĂ©es 1970-1980, lâanthropologie historique nâa pas portĂ© tous les fruits escomptĂ©s, notamment parce que les dĂ©finitions larges qui en ont Ă©tĂ© donnĂ©es par ses plus fervents promoteurs2 ont pu contribuer Ă la ramener Ă une question dâobjets et dâarticulations dâĂ©chelles, sans appropriation ou discussion vĂ©ritables des concepts anthropologiques. Plus encore, dans le domaine important de la parentĂ©, le dialogue entre histoire et anthropologie sâest fait Ă contretemps comme le remarquait Michel Nassiet 2002 lors de la table ronde, les historiens se sont appropriĂ©s et ont travaillĂ© la notion dâĂ©change et les structures de la parentĂ© au moment mĂȘme oĂč les anthropologues les remettaient radicalement en cause, ce dont un numĂ©ro spĂ©cial de LâHomme paru en 2000 tĂ©moigne Barry 20003. 4 Cette distinction a Ă©tĂ© proposĂ©e dans les annĂ©es 1950 par le linguiste Kenneth Pike 1954-1960. Cl ... 3Ces difficultĂ©s soulignent la nĂ©cessitĂ© dâun travail attentif aux notions utilisĂ©es et Ă leur transfert dâune discipline Ă lâautre, fĂ©cond heuristiquement mais qui peut aussi crĂ©er des zones dâombre et laisser des pistes inexplorĂ©es. La notion de maison » mĂ©rite dâautant plus un retour sur ses usages quâelle a Ă©tĂ© lâun des cĆurs des rapports entre histoire et anthropologie de la parentĂ© durant les trente derniĂšres annĂ©es, dans leur complexitĂ© et leurs vicissitudes. Lâobjectif de cet article ne vise pas lâexhaustivitĂ©. Pour ce qui est de lâhistoire, notamment, je me contenterai de la pĂ©riode moderne que je connais le mieux et qui a Ă©tĂ© centrale dans ce champ de recherche. Il sâagit ainsi Ă la fois de faire le point sur les apports et les Ă©volutions des emplois de cette notion dans les deux disciplines, mais aussi de sâinterroger sur les diffĂ©rents fils de significations qui, parfois, se mĂȘlent dans un mĂȘme terme et rendent la question du comparatisme en sciences sociales dâautant plus complexe quâil nâest pas toujours aisĂ© de dĂ©mĂȘler ces fils et les traditions intellectuelles auxquelles ils sont rattachĂ©s. La difficultĂ© est encore plus grande lorsque, comme câest le cas pour la notion de maison », le terme utilisĂ© en sciences sociales est aussi un vocable qui vient du passĂ©, dont le sens nâĂ©tait pas nĂ©cessairement le mĂȘme, et qui comme tout vocable a vu sa signification Ă©voluer dans le temps. DerriĂšre ces problĂšmes se pose bien sĂ»r la question du rapport des mots aux rĂ©alitĂ©s sociales quâils prĂ©tendent dĂ©crire, de la diffĂ©rence entre, dâune part, les descriptions produites par une sociĂ©tĂ© Ă une Ă©poque donnĂ©e, dâautre part, les outils forgĂ©s pour rendre compte des phĂ©nomĂšnes sociaux dans le cadre dâune visĂ©e scientifique, diffĂ©rence emic/etic4 dont on ne saurait trop rapidement faire une frontiĂšre Ă©tanche. La clarification des notions employĂ©es est essentielle au travail des sciences sociales, Ă lâĂ©lucidation des phĂ©nomĂšnes Ă©tudiĂ©s et au dĂ©bat sur leur pertinence. Câest ce Ă quoi voudrait contribuer ce retour historiographique sur le concept de maison ». Claude LĂ©vi-Strauss et la notion de âmaisonâ, entre comparatisme et anachronisme5 5 Ce texte a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© avant la parution du livre de Maurice Godelier 2013 qui reprend, dans son c ... 4La notion de maison », proposĂ©e par Claude LĂ©vi-Strauss assez tardivement dans sa carriĂšre, au milieu des annĂ©es 1970, avec lâambition de comprendre les sociĂ©tĂ©s cognatiques quâil avait jusque-lĂ laissĂ©es de cĂŽtĂ©, est devenue cĂ©lĂšbre. Rappelons la dĂ©finition quâil en donne hĂ©ritage matĂ©riel et spirituel comprenant la dignitĂ©, les origines, la parentĂ©, les noms et les symboles, la position, la puissance et la richesse », la maison » se conçoit plus prĂ©cisĂ©ment comme [une] personne morale dĂ©tentrice dâun domaine composĂ© Ă la fois de biens matĂ©riels et immatĂ©riels, qui se perpĂ©tue par la transmission de son nom, de sa fortune et de ses titres en ligne rĂ©elle ou fictive, tenue pour lĂ©gitime Ă la seule condition que cette continuitĂ© puisse sâexprimer dans le langage de la parentĂ© ou de lâalliance, et, le plus souvent, des deux ensemble ».LĂ©vi-Strauss 1983a 1224 ; 1979 48 5Cette notion apparaĂźt dans un article dont le premier titre, Nobles sauvages » 1979, pose expressĂ©ment le comparatisme comme le cĆur de la dĂ©marche intellectuelle qui a permis Ă LĂ©vi-Strauss de la formuler. En revanche, dans La Voie des masques 1988, le texte fut republiĂ© en un chapitre intitulĂ© Lâorganisation sociale des Kwakiutl », traduction du titre anglais dâun cĂ©lĂšbre article de Franz Boas 1920, ce qui mettait lâaccent sur lâobjectif de son auteur dans le champ de lâanthropologie. 6LĂ©vi-Strauss cherchait en effet Ă rĂ©soudre les difficultĂ©s auxquelles Boas sâĂ©tait heurtĂ© pour interprĂ©ter la parentĂ© chez les Kwakiutl, un peuple dâIndiens installĂ©s dans la partie nord-est de Vancouver et sur la cĂŽte qui lui fait face. Ce qui intriguait les anthropologues, câĂ©taient les aspects matrilinĂ©aires de la parentĂ© chez les aristocrates kwakiutl. LâĂ©poux peut y assumer le nom et les armes de son beau-pĂšre, devenant ainsi membre du lignage de sa femme. Les biens, titres, noms et les emblĂšmes nobiliaires se transmettent tantĂŽt en ligne masculine, tantĂŽt en ligne fĂ©minine, tantĂŽt par filiation et tantĂŽt par alliance. En revanche, lâautoritĂ© sur le groupe la gens », disait Boas lorsquâil commença Ă travailler sur les Kwakiutl se transmet de pĂšre en fils le pĂšre est bien le chef de la famille. Dans son article fondamental publiĂ© en 1920, Boas renonce au terme de gens pour reprendre le vocable indigĂšne de numaym. Il montre quâil y a deux catĂ©gories de titres dans la noblesse kwakiutl ceux qui restent dans le lignage et ne peuvent en sortir ; ceux qui sont transmis au gendre par lâintermĂ©diaire de la femme, pour ensuite passer aux enfants. Il nây a pas de diffĂ©rence de nature entre ces titres. Boas note ensuite que les biens des numaym sont Ă la fois matĂ©riels et spirituels, et quâen lâabsence de fils, il arrive quâun gendre succĂšde Ă son beau-pĂšre Ă la tĂȘte du numaym de celui-ci. Lâanthropologue germano-amĂ©ricain faisait de ce type de structure quelque chose sans Ă©quivalent dans les archives de lâethnologie. 6 Boas avait dĂ©jĂ envisagĂ© ce rapprochement avec lâEurope mĂ©diĂ©vale. Il indiquait quâil Ă©tait ⊠/⊠po ... 7Claude LĂ©vi-Strauss, au contraire, montre que lâon retrouve ce type de systĂšme ailleurs, en PolynĂ©sie et en IndonĂ©sie notamment. Les Yurok de la cĂŽte nord de la Californie, Ă©tudiĂ©s par Alfred L. Kroeber, fonctionnaient Ă©galement de cette façon, mĂȘme si leur ethnologue ne les avait caractĂ©risĂ©s que nĂ©gativement. Mais, pour quâil en eĂ»t Ă©tĂ© autrement, dit LĂ©vi-Strauss, il eĂ»t fallu que le concept de maison » fĂźt partie des outils de lâethnologie aux cĂŽtĂ©s de ceux de tribu, de village, de clan et de lignĂ©e. Lâanthropologue français forge donc un concept adĂ©quat grĂące Ă la comparaison avec lâhistoire du Moyen Ăge europĂ©en. Câest en effet Ă partir de ses discussions avec Georges Duby et de sa lecture de Karl Schmid que LĂ©vi-Strauss trouve dans lâEurope mĂ©diĂ©vale un terme et des Ă©lĂ©ments permettant de comprendre le systĂšme de parentĂ© des Kwakiutl6. 7 CitĂ© par Claude LĂ©vi-Strauss 1979 47. 8Claude LĂ©vi-Strauss cite Karl Schmid qui soulignait que lâAdelsgeschlecht ne coĂŻncidait pas avec la lignĂ©e agnatique, et quâelle Ă©tait mĂȘme souvent dĂ©pourvue de base biologique. Schmid renonçait Ă y voir autre chose quâun hĂ©ritage spirituel et matĂ©riel, comprenant la dignitĂ©, les origines, la parentĂ©, les noms et les symboles, la position, la puissance et la richesse, et assumĂ© [âŠ] eu Ă©gard Ă lâanciennetĂ© et Ă la distinction des autres lignĂ©es nobles »7. Pour LĂ©vi-Strauss, il nây a dans tous ces travaux quâune seule et mĂȘme institution la maison », dont il donne la dĂ©finition dĂ©jĂ citĂ©e. 8 Voir aussi le chapitre Structures familiales dans le Moyen Ăge occidental », in Georges Duby 199 ... 9 Duby suit en cela Schmid, qui emploie toujours Haus accompagnĂ© de Geschlecht, comme une sorte dâĂ©qu ... 9Paradoxalement, le terme de domus nâapparaĂźt jamais dans la documentation de Georges Duby. Analysant la mutation lignagĂšre » quâil voit survenir au xie siĂšcle dans le MĂąconnais 19728, lâhistorien utilise le mot maison », quâil reprend de Schmid, alors que ce terme ne prit en français un sens liĂ© Ă la parentĂ© nobiliaire quâau xve siĂšcle. Lâusage quâen faisait Duby Ă©tait donc anachronique, et il Ă©tait de plus assez lĂąche puisquâil le considĂ©rait comme un Ă©quivalent de lignage ou de race 1990 [1988], 1995 [1981]9. LĂ©vi-Strauss, de son cĂŽtĂ©, tira les consĂ©quences exactes des descriptions empiriques de Duby en les mettant en relation avec lâorganisation des Kwakiutl, mais il entĂ©rina du mĂȘme coup la confusion de vocabulaire faite par le mĂ©diĂ©viste. 10 Montaigne fustige le vilain usage [âŠ] dâappeler chacun par le nom de sa terre et Seigneurie », pa ... 10Dans la suite de son article, LĂ©vi-Strauss compare les diffĂ©rents biens en jeu chez les Kwakiutl et chez les indigĂšnes de lâEurope mĂ©diĂ©vale, indiquant quâils forment un moyen de gouvernement ». Il insiste sur les manipulations de parentĂ© Ă lâĆuvre, encore relevĂ©es par Montaigne au xvie siĂšcle10. Les deux points centraux de ce que lâanthropologue appelle les sociĂ©tĂ©s Ă maisons » lui semblent rĂ©sider dans la dialectique de la rĂ©sidence et de la filiation, et dans une Ă©quivalence fondamentale structuralement, la filiation vaut lâalliance et lâalliance vaut la filiation. Une des marques de la dialectique rĂ©sidence/filiation est lâexistence simultanĂ©e des noms de race et des noms de terre. La maison » est [une] crĂ©ation institutionnelle permettant de composer des forces qui, partout ailleurs, semblent ne pouvoir sâappliquer quâĂ lâexclusion lâune de lâautre en raison de leurs orientations contradictoires. Descendance patrilinĂ©aire et descendance matrilinĂ©aire, filiation et rĂ©sidence, hypergamie et hypogamie, mariage proche et mariage lointain, race et Ă©lection ».LĂ©vi-Strauss 1979 53 11En Ă©largissant son propos, LĂ©vi-Strauss inscrit lâinstitution de la maison » dans une perspective Ă©volutionniste. Son apparition correspondrait chaque fois Ă un mĂȘme Ă©tat de fait [âŠ] Ă©tat oĂč les intĂ©rĂȘts politiques et Ă©conomiques, qui tendent Ă envahir le champ social, nâont pas encore pris le pas sur les âvieux liens du sangâ comme disaient Marx et Engels. Pour sâexprimer et se reproduire, ces intĂ©rĂȘts doivent inĂ©vitablement emprunter le langage de la parentĂ©, bien quâil leur soit hĂ©tĂ©rogĂšne ; en effet, aucun autre nâest disponible. Et inĂ©vitablement aussi, ils ne lâempruntent que pour le subvertir ».Ibid. 54 12La maison » permet de donner, par le langage de la parentĂ©, un fondement naturel â mĂȘme sâil sâagit bien dâune fiction â aux entreprises des grands. La notion est donc liĂ©e, chez LĂ©vi-Strauss, Ă une organisation des pouvoirs et Ă une hiĂ©rarchie sociale. 13Dans son cours au CollĂšge de France de 1977-1978, LĂ©vi-Strauss Ă©tend ses dĂ©veloppements sur la maison » Ă dâautres sociĂ©tĂ©s, indiquant quâil faut passer de la conception dâun substrat objectif Ă celle de lâobjectivation dâun rapport rapport instable dâalliance que, comme institution, la maison a pour rĂŽle dâimmobiliser, fĂ»t-ce sous une forme fantasmatique » 1984 195. Ă partir de lĂ , il dĂ©veloppe lâidĂ©e quâil est possible de transposer la notion de fĂ©tichisme, telle quâappliquĂ©e par Karl Marx Ă la marchandise, Ă la maison » cette derniĂšre est mieux comprise si elle est perçue comme une opĂ©ration dâobjectivation des relations que comme un phĂ©nomĂšne substantiel. LâunitĂ© de la maison » relĂšve en grande partie de la fiction. Elle masque les tiraillements internes et sous-jacents qui menacent de la fragmenter. 14Il existe, me semble-t-il, une tension dans la dĂ©finition de LĂ©vi-Strauss, entre la maison » comme structure sociale sur le modĂšle de la lignĂ©e, du clan ou de la tribu et la maison » comme rĂ©sultat dâactions et dâune volontĂ© pour maintenir une unitĂ© par les contraintes collectives. Autre façon de le dire, le problĂšme se pose de lâarticulation entre lâidĂ©e de sociĂ©tĂ©s Ă maisons », pensĂ©es de maniĂšre structurale comme les sociĂ©tĂ©s dont la parentĂ© serait lignagĂšre par exemple, et le fait que la maison » soit pleinement un phĂ©nomĂšne hiĂ©rarchique, qui rend nĂ©cessaire un ensemble dâactions pour maintenir opĂ©ratoire la fiction des relations que vient recouvrir le terme maison », et qui laisse penser que toutes les familles dâune sociĂ©tĂ© ne forment pas de telles fictions institutionnalisĂ©es. On peut donc admettre quâil y a deux pĂŽles dans la dĂ©finition lĂ©vi-straussienne lâun qui insiste sur la pĂ©rennitĂ© du systĂšme et la volontĂ© de reproduction Ă lâidentique, lâautre, au contraire, qui met lâaccent sur les processus de changements et sur la nĂ©cessitĂ© dâactions et de projets pour fonder, maintenir et reproduire une maison » sur plusieurs gĂ©nĂ©rations, ce qui impose une perspective historique dans lâanalyse. La maison » sâinscrit, de ce point de vue, dans lâĂ©volution personnelle de LĂ©vi-Strauss, son rapprochement avec lâhistoire et sa prise en compte de lâaxe de la descendance quâil avait entiĂšrement Ă©cartĂ© au profit de lâalliance Godelier 2013 65 et 197-225. Mais LĂ©vi-Strauss nâa jamais lui-mĂȘme Ă©tudiĂ© ou mis en route des recherches sur ces interactions au sein des maisons » et entre les maisons ». Quoi quâil en soit, la notion de maison » met au cĆur de son raisonnement la question de la transmission du patrimoine, matĂ©riel et symbolique, ouvrant la voie Ă un dĂ©passement de lâanalyse en termes de structures de la parentĂ©. Ethnologie, histoire rurale et histoire de la famille famille-souche et âmaisonâ 11 Pour une bibliographie et une historiographie des recherches sur la famille-souche dans les PyrĂ©nĂ©e ... 12 Pour un point sur les Ă©tudes rurales dans cette filiation intellectuelle depuis le dĂ©but des annĂ©es ... 13 Sur Le Play et la famille-souche, cf. Louis Assier-Andrieu 1984 et Richard Wall 2009. Pour une ... 15Câest surtout chez les historiens et les anthropologues ruralistes français que la notion de maison » a Ă©tĂ© utilisĂ©e dans le cadre des Ă©tudes qui cherchaient Ă comprendre le rĂŽle de lâhĂ©ritage et de la transmission dans la structuration des familles paysannes passĂ©es des systĂšmes Ă maisons » ont par exemple Ă©tĂ© dĂ©crits dans le Massif Central, les Alpes et surtout dans les PyrĂ©nĂ©es11. Pourtant, lâinfluence du concept de LĂ©vi-Strauss est restĂ©e tĂ©nue. Câest en effet Ă partir dâune autre filiation intellectuelle que les maisons paysannes ont Ă©tĂ© analysĂ©es par des historiens et des ethnologues celle de la famille-souche » de FrĂ©dĂ©ric Le Play12, qui appela ainsi lâun des trois modĂšles familiaux quâil forgea pour rendre compte de la famille dans lâhistoire, modĂšle quâil avait bĂąti Ă partir de ses observations dans les PyrĂ©nĂ©es au milieu du xixe siĂšcle Le Play 185513. Il y dĂ©crivait lâimportance de la succession dâhĂ©ritiers dâun patrimoine gardĂ© intact, centrĂ© sur une maison et une exploitation, dans lesquelles vivait une famille Ă©largie, qui nâavait pas la rigiditĂ© de la famille patriarcale antique ni lâinstabilitĂ© de la famille contemporaine. Pour Le Play, la famille-souche Ă©tait la meilleure organisation familiale possible, en fonction de laquelle il fallait rĂ©former la sociĂ©tĂ©. 14 Trente ans plus tard, dans ses cours au CollĂšge de France, Bourdieu rĂ©utilisa ses travaux sur les p ... 16Les travaux de Pierre Bourdieu, au dĂ©but des annĂ©es 1960, sur les paysans du BĂ©arn 2002 rĂ©actualisĂšrent la famille-souche de Le Play Ă partir de lâexamen des Ă©changes matrimoniaux entre maisons maysous, mais en insistant sur la nĂ©cessitĂ© Ă©conomique du maintien de lâintĂ©gritĂ© des patrimoines fonciers14. Câest encore la filiation le playsienne qui domine dans les travaux du Cambridge Group for the History of Population and Social Structure, dirigĂ© par Peter Laslett mĂȘme si ce dernier Ă©tait critique avec la catĂ©gorie de famille-souche, qui visaient, dans la suite des Ă©tudes de dĂ©mographie historique, Ă classifier les groupes domestiques households pour dĂ©terminer la gĂ©ographie des diffĂ©rentes formes familiales Laslett 1972. Cet objectif se retrouve chez Emmanuel Todd qui sâest attachĂ© Ă complĂ©ter les catĂ©gories de Le Play en intĂ©grant les donnĂ©es de classification des mĂ©nages dans une perspective diffusionniste expressĂ©ment construite contre le structuralisme de LĂ©vi-Strauss Todd 2011. Les Ă©tudes sur les PyrĂ©nĂ©es furent largement tournĂ©es vers lâutilisation de la classification des mĂ©nages proposĂ©e par le groupe de Cambridge, tout en introduisant des critiques qui permirent la mise en Ă©vidence de cycles familiaux » Fauve-Chamoux 1984, en montrant que les familles changent de forme en fonction des cycles de vie de leurs membres Fine 1977. 17Au moment oĂč ces travaux se dĂ©veloppaient, Emmanuel Le Roy Ladurie donna Ă lire le livre de Jean Yver 1966 sur la gĂ©ographie coutumiĂšre dâAncien RĂ©gime Ă travers un prisme anthropologique, qui le conduisit Ă prĂ©senter les grands systĂšmes coutumiers de la France dâAncien RĂ©gime comme grands systĂšmes de transmission opposant au pĂŽle Ă©galitaire et lignager » un pĂŽle prĂ©ciputaire et mĂ©nager » Le Roy Ladurie 1972, ce dernier recoupant en partie la famille-souche de Le Play. Dans la suite de cet article, le succĂšs de son livre sur Montaillou 1982 [1975], qui abordait tous les aspects de la vie des maisons » ostals ou domus de ce village occitan au tournant du xive siĂšcle, confĂ©ra une grande notoriĂ©tĂ© Ă ces systĂšmes de transmission du patrimoine. Les travaux dâAndrĂ© BurguiĂšre 2000 [1993] ont repris ces approches en insistant sur le partage entre une France Ă©galitaire, situĂ©e surtout au nord, et une France inĂ©galitaire, principalement au sud, et en utilisant le terme maison » Ă la fois pour les rĂ©gions de montagne dans lesquelles ce systĂšme existait et pour les Ă©lites nobiliaires. 15 Ni le reste de lâouvrage ni le tome II paru en 1986 ne font rĂ©fĂ©rence Ă la maison » selon LĂ©vi-St ... 18Les nombreuses Ă©tudes qui ont suivi sur la maison » paysanne nâont pas Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es Ă partir de la notion proposĂ©e par LĂ©vi-Strauss, mais dans la continuitĂ© des approches prĂ©cĂ©dentes, les mots vernaculaires qui dĂ©signaient de telles maisons, Ă la fois comme lieux dâhabitation et comme groupes familiaux domus, ostal, ostau, casaâŠ, Ă©tant repris et interprĂ©tĂ©s Ă partir de la notion de famille-souche. Ce nâest que dans un second temps, dans les annĂ©es 1980, que ces travaux dâhistoire rurale ont rapprochĂ© la famille-souche de la maison » telle quâenvisagĂ©e par LĂ©vi-Strauss. Encore celle-ci est-elle toujours restĂ©e Ă lâarriĂšre-plan et peu utilisĂ©e expressĂ©ment. De maniĂšre assez symptomatique, lâintroduction dâIsaac Chiva et de Joseph Goy aux Baronnies des PyrĂ©nĂ©es 1981 ne cite pas les travaux de LĂ©vi-Strauss sur la maison »15. Et il faut noter que ce dernier ne sâest jamais appuyĂ© non plus sur les travaux des spĂ©cialistes des maisons » paysannes dans ses propres recherches. 19Les ruralistes qui se sont penchĂ©s sur la famille-souche ont tous insistĂ© sur la rĂ©sidence comme principe dâorganisation du patrimoine BarthĂ©lĂ©my 2002, en raison de la dĂ©volution de ce dernier Ă un hĂ©ritier unique, et ce, bien au-delĂ de la RĂ©volution française, jusquâau milieu du xxe siĂšcle. Pierre Lamaison 1979 sâest ainsi intĂ©ressĂ© au cas du GĂ©vaudan, oĂč le statut social se forge principalement, comme dans le reste des sociĂ©tĂ©s paysannes en France, grĂące aux modes de transmission de la terre et des biens, câest-Ă -dire suivant un type de succession hĂ©rĂ©ditaire non assimilable Ă la filiation proprement dite, mais qui ne lui est pas Ă©tranger. Les stratĂ©gies matrimoniales ne peuvent ĂȘtre perçues et interprĂ©tĂ©es quâen se rĂ©fĂ©rant Ă ce mode de succession entre consanguins, fondĂ© sur les ostals, vĂ©ritables unitĂ©s dâĂ©change, formant un systĂšme stable. La coutume prĂ©ciputaire consiste Ă instituer un hĂ©ritier dans chaque fratrie et Ă lâĂ©tablir au moment de son mariage. Aucune consanguinitĂ© nâapparaĂźt entre proposants appartenant au mĂȘme ostal ou Ă la mĂȘme lignĂ©e patrimoniale, et aucun mariage ou presque ne se produit entre hĂ©ritiers dâostals diffĂ©rents. Des raisons semblables expliquent les deux phĂ©nomĂšnes tous deux provoqueraient un effet de concentration des biens qui, dâune part, condamnerait nombre de cadets Ă la pauvretĂ© vĂ©ritable et, dâautre part, aboutirait Ă la disparition progressive de divers ostals, peu Ă peu englobĂ©s dans ceux qui auraient acquis une position dominante. 20Cette stabilitĂ© nâest cependant pas toujours aussi grande, bien quâelle reste la norme. En Haute-Provence, les stratĂ©gies du pĂšre de famille sont orientĂ©es vers un triple but garder un fils hĂ©ritier dans sa maison, conserver lâautoritĂ© sur la maison » le plus longtemps possible, câest-Ă -dire jusquâĂ sa mort, et sauvegarder des biens suffisants autour de la domus pour que la famille Ă©largie » vivant sous le mĂȘme toit puisse se nourrir. En fonction des hasards de la donne, la stratĂ©gie du pĂšre oscille entre deux pĂŽles le modĂšle nobiliaire, qui est de donner la meilleure part au fils aĂźnĂ© instituĂ© hĂ©ritier et dâexclure les frĂšres et sĆurs ; et lâautre pĂŽle, plus Ă©galitaire, avec des conduites moins rigides, des changements possibles du choix de lâhĂ©ritier au fur et Ă mesure du cycle familial, et un partage moins inĂ©quitable du patrimoine entre les garçons Collomp 1983. 21Cette volontĂ© de conservation est Ă©galement soulignĂ©e par Anne Zink, pour qui certaines coutumes du Sud-Ouest de la France crĂ©ent un systĂšme qui correspond au cĆur de la dĂ©finition proposĂ©e par LĂ©vi-Strauss, puisquâelles [âŠ] font de la maison le vĂ©ritable propriĂ©taire du patrimoine dont les hĂ©ritiers successifs ne sont que des sortes dâusufruitiers et dont ils ne peuvent pas davantage disposer que sâil sâagissait dâun bien de main-morte. Dans ces conditions, la maison se perpĂ©tue comme une institution ».1993 486 22Des diffĂ©rences existent cependant. Dans les Baronnies des PyrĂ©nĂ©es, le systĂšme coutumier imposait la transmission intĂ©grale de lâhĂ©ritage Ă un seul hĂ©ritier. Les dots, qui correspondaient Ă la lĂ©gitime, nâĂ©taient pas donnĂ©es sous forme de terres, pour Ă©viter le dĂ©membrement du patrimoine foncier, sauf en cas de pression dĂ©mographique forte Augustins 1981. Mais lâhĂ©ritier nâĂ©tait pas choisi de la mĂȘme façon selon que sâappliquait un droit dâaĂźnesse absolue, voire une primogĂ©niture intĂ©grale, quel que soit le sexe de lâenfant premier nĂ© Arrizabalaga 1997, ou bien que les parents faisaient un aĂźnĂ© en choisissant lâhĂ©ritier. Anne Zink 1993 sâattache de son cĂŽtĂ© Ă distinguer les diffĂ©rents types de maisons en fonction des diffĂ©rents droits rĂ©glant la transmission. Cette institution nâest dĂ©signĂ©e par un terme que dans le sud de la coutume de Dax, sous le nom de capcazal », dont le nombre est limitĂ© grĂące Ă lâaĂźnesse. Câest la capcazal qui a droit Ă lâusage des communaux, mais ses droits et son identitĂ© nâexistent que par la reconnaissance de la communautĂ©. On retrouve un type semblable, mais avec des variantes locales, en BĂ©arn, en Bigorre et en Bidache. En revanche, Ă lâest du Lavedan ou de la vallĂ©e dâAure, le systĂšme coutumier change. Zink indique que lâon peut interprĂ©ter les institutions dâhĂ©ritiers et le recours aux substitutions que lâon observe dans ces vallĂ©es comme le signe dâun regret et comme un effort du monde paysan pour compenser la perte dâune coutume dâaĂźnesse », mais quâen rĂ©alitĂ© il y a lĂ un comportement trĂšs rĂ©pandu dans les pays de droit Ă©crit et que, dĂšs que pour sauvegarder lâunitĂ© de ce que nous appelions jusquâici les biens de la maison, il faut compter sur la bonne volontĂ© du pĂšre de famille, les biens ne sont plus ceux de la maison, elle nâest plus un sujet de droit, il faut parler de patrimoine » Ibid. 487. 23En rĂ©flĂ©chissant dâabord Ă partir des systĂšmes mis en place par le droit coutumier et le droit Ă©crit, en ce quâils formalisent de maniĂšres diffĂ©rentes des relations entre ce qui est transmis et ceux qui transmettent, Zink sâĂ©loigne de la dĂ©finition englobante de la maison » selon LĂ©vi-Strauss. DerriĂšre des rĂ©sultats qui peuvent paraĂźtre semblables, ces formalisations nâattribuent la mĂȘme place ni au bien transmis, ni au chef de famille, ni Ă lâhĂ©ritier. Ces phĂ©nomĂšnes a priori Ă©quivalents cachent une rĂ©elle variĂ©tĂ© des organisations sociales et on ne peut mettre sous le nom de famille-souche la casa du Capcir, lâosta du GĂ©vaudan ou lâostau bĂ©arnais. 24Pourtant, malgrĂ© cette variĂ©tĂ© rĂ©elle, des logiques semblables apparaissent que les diffĂ©rents travaux sur ces familles-souches paysannes montrent bien, en sâattachant notamment aux pratiques et pas seulement au droit. Le monde dĂ©crit par Pierre Lamaison repose Ă la fois sur une grande stabilitĂ© des maisons » et sur une concurrence forte entre elles, qui sâaccompagne dâune conflictualitĂ© rĂ©elle et dâune violence systĂ©mique Claverie & Lamaison 1982. On retrouve ailleurs cette tension entre la stabilitĂ© recherchĂ©e des maisons » et les luttes entre elles, le tout dans un monde inĂ©galitaire crĂ©ateur de liens de dĂ©pendance Assier-Andrieu 1982. Les âmaisonsâ sâinsĂ©raient dans une hiĂ©rarchie fondĂ©e sur de multiples critĂšres la richesse Ă©conomique, les places politiques dĂ©tenues, les honneurs accumulĂ©s, le prestige du nom. Alain Collomp montre Ă©galement que les maisons » tentaient dâaccaparer et de transmettre les charges communales qui renforçaient leur honneur et leur Ă©clat. Tout cela crĂ©ait des relations de parentĂ© avec des familles socialement diversifiĂ©es et favorisait un clientĂ©lisme gĂ©nĂ©ralisĂ© PĂ©laquier 1996. 25Les pratiques dĂ©voilent aussi lâadaptabilitĂ© de la famille-souche, malgrĂ© les changements juridiques, notamment ceux de la RĂ©volution, malgrĂ© aussi les dĂ©sĂ©quilibres dĂ©mographiques qui ont progressivement modifiĂ© le systĂšme. Les recherches ont rĂ©vĂ©lĂ© que Le Play dĂ©crivait de maniĂšre idĂ©ale un systĂšme en fait dĂ©jĂ en crise et remis en cause en raison de la pression dĂ©mographique, qui obligeait de plus en plus Ă lâexode rural Fauve-Chamoux 2009a et b et confĂ©rait une place de plus en plus grande aux femmes Fauve-Chamoux 2006. La subsistance des cadets Ă©tait liĂ©e Ă lâexistence dâune proportion de terres possĂ©dĂ©es en collectivitĂ© qui permettaient aux cadets non mariĂ©s de sâemployer au service des maisons et de la communautĂ© Zink 1993. Bien aprĂšs la mort de Le Play, la pression sur ces communaux, la transformation dâun rapport Ă la terre devenue marchandise, le tourisme et les sports dâhiver, confĂ©rant de nouveaux usages Ă la terre et en faisant monter le prix, rompirent le consensus des cadets concernant leur exclusion, mettant fin Ă la prolongation du systĂšme des maisons » Assier-Andrieu 1981. Dans ses travaux sur le BĂ©arn, Bourdieu 2002 montrait ainsi que lâon Ă©tait passĂ© du cĂ©libat des cadets au cĂ©libat des aĂźnĂ©s, signe dâun changement de logique profond du systĂšme matrimonial. 26Lâassimilation entre maison » au sens Claude LĂ©vi-Strauss et famille-souche a, on le voit, Ă©tĂ© largement faite, plus ou moins explicitement, par les ruralistes français, qui se sont plutĂŽt fondĂ©s sur la dĂ©finition donnĂ©e par lâanthropologue en termes de structure sociale, plus congruente avec la perspective le playsienne et avec lâidĂ©e de recherche dâĂ©quilibre de la part des communautĂ©s paysannes, qui conduisait Ă une relative stabilitĂ© des maisons. On doit la plus forte thĂ©orisation de cette identification Ă Georges Augustins 1989 qui interprĂšte la maison » ou famille-souche comme lâune des trois principales formes dâorganisation sociale constituĂ©es par les rĂšgles de succession et dâhĂ©ritage, aux cĂŽtĂ©s de la parentĂšle et du lignage. La maison » est conçue comme lâexpression dâune forme de transmission dans laquelle domine le principe rĂ©sidentiel mis en avant par LĂ©vi-Strauss, ce qui a des consĂ©quences sur la matĂ©rialitĂ© mĂȘme de la vie paysanne. La dĂ©finition du systĂšme Ă maison » proposĂ©e par Augustins est la combinaison de la succession unique et de lâhĂ©ritage prĂ©ciputaire » Ibid. 129, tandis que le lignage se dĂ©finit par la combinaison de la succession segmentaire agnatique et de lâhĂ©ritage sĂ©lectif, et que la parentĂšle associe la succession segmentaire cognatique et lâhĂ©ritage Ă©galitaire. Il sâagit lĂ de modĂšles, les PyrĂ©nĂ©es Ă©tant assez exceptionnelles par le degrĂ© de rĂ©alisation du modĂšle combinant la maison comme unitĂ© de base de la vie sociale, lâhĂ©ritage prĂ©ciputaire associĂ© Ă la succession unique et le systĂšme dotal. Mais, le plus souvent, sâobservent des situations de compromis entre principe parental et principe rĂ©sidentiel Augustins 1986. 27Dans la suite de ces travaux, mais en reprenant plus fortement la notion forgĂ©e par LĂ©vi-Strauss, Bernard Derouet Ă©crit que les pratiques de transmission sâordonnent autour de deux grandes logiques une logique de la filiation et une de la rĂ©sidence. Dans le premier cas, le droit Ă lâhĂ©ritage est purement dĂ©terminĂ© par la parentĂ©. Dans le second cas, ce droit est liĂ© au rapport matĂ©riel et de nature, au fond, âsociologiqueâ quâon continue dâentretenir avec le groupe domestique et le patrimoine au sujet duquel se pose un problĂšme de transmission ; lâon nâest hĂ©ritier que si lâon est âsuccesseurâ, ici les deux notions ne sont pas dissociĂ©es » 1995 655. Dans ce dernier cas, lâhĂ©ritage et la transmission ne sont pas un problĂšme de transfert des biens et des choses entre les gens, mais un problĂšme de place ou de situation que les individus occupent par rapport aux choses et aux biens. Il nây a pas dâhĂ©ritage au sens propre du terme, [âŠ] il y a seulement succession dans un bien, ou plutĂŽt accession Ă une place » Ibid. 665-666. Cette logique sâaccommode de rĂšgles coutumiĂšres diffĂ©rentes qui, de toute façon, ne revĂȘtent pas un caractĂšre dâobligation, sauf en cas de prohibitions expresses, et sont fonction dans les milieux paysans du type dâexploitation et de rapport Ă la terre Derouet 1997a. Ces pratiques de transmission sont Ă©volutives, mais de maniĂšre non linĂ©aire. LâapogĂ©e de la famille-souche se situe Ă la fin du Moyen Ăge et son dĂ©clin est amorcĂ© dans les deux derniers siĂšcles de lâAncien RĂ©gime, selon Jacques PoumarĂšde 2005. Pour Derouet 1989, les chronologies sont variables mais on peut voir dans ces systĂšmes inĂ©galitaires des rĂ©ponses aux crises de la fin de la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale. Surtout, ils sont toujours liĂ©s Ă la rigiditĂ© du systĂšme social, quelles que soient les causes de cette derniĂšre. Dionigi Albera 2011 a Ă©tĂ© encore plus loin en ce sens, en montrant que les facteurs politiques et juridiques, ainsi que leurs transformations historiques, sont cruciaux dans lâapparition et la perpĂ©tuation des maisons ». 28En 2009, Antoinette Fauve-Chamoux et Emiko Ochiai ont souhaitĂ© faire davantage la part des changements dans les communautĂ©s paysannes en Ă©tudiant les extinctions et les renouvellements de maisons », la transmission Ă©chouant plus souvent quâon a pu le croire. Elles ont aussi proposĂ© de distinguer famille-souche et maison » Ă partir dâune comparaison entre lâEurope et lâAsie. Pour elles, la famille-souche peut ĂȘtre ramenĂ©e Ă une dĂ©finition minimale, Ă savoir la rĂšgle rĂ©sidentielle et le fait quâun seul enfant mariĂ© reste avec les parents. En Europe, la famille-souche a aussi Ă©tĂ© regardĂ©e comme une unitĂ© de production et de reproduction par la transmission du patrimoine inĂ©galitaire, soit une corporation fonctionnant sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. Le terme maison » peut ĂȘtre rĂ©servĂ© Ă cette forme particuliĂšre de la famille-souche. Mais, Ă©trangement, le propos des auteures rabat la maison » sur lâidĂ©ologie de la filiation unilinĂ©aire, alors que câest bien le principe de rĂ©sidence qui est central dans leur dĂ©finition. Sans doute vaut-il mieux considĂ©rer, comme le fait Derouet Ă la suite de LĂ©vi-Strauss, que la dialectique entre rĂ©sidence et filiation est le cĆur de la dĂ©finition de la maison », mĂȘme si le principe de rĂ©sidence peut parfois lâemporter. Noblesse et âmaisonâ les ambiguĂŻtĂ©s du langage 29Paradoxalement, alors que LĂ©vi-Strauss se fondait sur ce qui Ă©tait censĂ© ĂȘtre la conception indigĂšne de la maison nobiliaire dans lâEurope mĂ©diĂ©vale pour en donner sa dĂ©finition, la notion de maison » a Ă©tĂ© beaucoup moins appliquĂ©e Ă la noblesse quâĂ la paysannerie. Le modĂšle, peu suivi, a Ă©tĂ© fourni par Christiane Klapisch-Zuber qui sâen est servi pour analyser le patriciat florentin de la Renaissance. Mais câest moins la dĂ©finition de LĂ©vi-Strauss, inscrite dans une problĂ©matique des structures de la parentĂ©, que lâentitĂ© dĂ©signĂ©e par ce terme et que les Florentins appelaient eux-mĂȘmes ainsi, qui lâa intĂ©ressĂ©e Des groupes de parentĂ© solides, voire permanents, et dotĂ©s dâune personnalitĂ© autonome, permettant Ă leurs membres dâĂȘtre pleinement identifiables et de sâaffirmer publiquement dans la citĂ©, tel est lâun des cadres de rĂ©fĂ©rence, et non des moindres, pour tout Florentin bien nĂ©. Ces lignages ou âmaisonsâ case voient circuler entre eux biens matĂ©riels et symboliques â richesses, cadeaux, prĂ©noms, honneur â et individus â femmes et parfois enfants. Les hommes, eux, sont stables, enracinĂ©s dans une identitĂ© lignagĂšre intouchable ; les femmes, mobiles, objets et supports de lâĂ©change entre âmaisonsâ, se portent de lâune Ă lâautre ce sont leurs mouvements et les biens quâelles enlĂšvent Ă lâune pour les introduire dans une autre que les ricordanze enregistrent avec prĂ©dilection, eux qui suscitent les rituels familiaux les plus Ă©laborĂ©s, les mieux dĂ©taillĂ©s aussi par les chroniqueurs domestiques ».Klapisch-Zuber 1990 9 30Ainsi applique-t-elle la notion anthropologique dans une sociĂ©tĂ© oĂč la parentĂ© connaĂźt une inflexion patrilinĂ©aire trĂšs forte. Mais elle lui permet de prendre en compte dans lâanalyse aussi bien la parentĂ© lignagĂšre que les marqueurs symboliques et le lieu concret de lâhabitation, le tout sous un mĂȘme nom dĂ©signant ce qui sâimposait comme une rĂ©alitĂ© sociale dans la Florence renaissante. 16 Pour une analyse inspirĂ©e de ces travaux, cf. aussi ValĂ©rie Deplaigne 2009. 31Câest Ă Michel Nassiet que lâon doit la reprise des travaux de LĂ©vi-Strauss pour interprĂ©ter les phĂ©nomĂšnes nobiliaires en France Ă la fin du Moyen Ăge et au dĂ©but de lâĂ©poque moderne. Dans une sĂ©rie dâarticles 1991, 1994, 1995, il dĂ©montre, dâune part, que le nom et le blason rĂ©pondaient Ă un systĂšme idĂ©ologique ancrĂ© Ă la fois dans la parentĂ© et dans la rĂ©sidence la seigneurie, dâautre part, que ces marqueurs de parentĂ© et de rĂ©sidence Ă©taient manipulĂ©s et instrumentalisĂ©s, dĂ©voilant la logique qui sous-tendait ces manipulations, dont le fondement se trouvait dans lâĂ©quivalence structurale entre alliance et filiation. Nassiet en conclut que la noblesse formait alors un systĂšme Ă maisons », systĂšme idĂ©ologique autant que systĂšme de parentĂ© et de transmission, qui ne connut pas de modifications profondes au xviie siĂšcle, Ă lâexception dâun net inflĂ©chissement vers la gĂ©nĂ©ralisation de la filiation patrilinĂ©aire. Cette perspective a Ă©tĂ© reprise par Robert Descimon 1999 et inscrite dans lâensemble des Ă©volutions de la noblesse Ă lâĂ©poque moderne ; câest aussi celle que jâai adoptĂ©e dans mon propre travail Haddad 2009a. Par la suite, cependant, Nassiet sâest orientĂ© vers une dĂ©finition bien plus strictement patrilinĂ©aire de la maison » noble, correspondant Ă ses propres Ă©volutions dans lâanalyse des phĂ©nomĂšnes nobiliaires Nassiet 200016. Faisant aussi rĂ©fĂ©rence Ă LĂ©vi-Strauss, Claire Chatelain 2008 a Ă©galement utilisĂ© la notion de maison » dans son Ă©tude des Miron, en insistant sur lâidĂ©e de patrimoine matĂ©riel et symbolique appropriĂ© collectivement. Câest cependant le phĂ©nomĂšne lignager qui lâa intĂ©ressĂ©e au premier chef. 17 Pour une premiĂšre approche des significations, Ă partir des dictionnaires et de quelques exemples, ... 32Ce biais dans lâemploi de la notion de maison » tient largement aux circonstances, mentionnĂ©es plus haut, de sa crĂ©ation. Reprenant ce terme Ă Duby, LĂ©vi-Strauss reconduit lâanachronisme que lâhistorien commettait dans ses propres textes en se servant dâun mot apparu au xve siĂšcle seulement. Cela a dâautant plus Ă©tĂ© source de confusions que la plupart des historiens ont utilisĂ© le terme maison » dans le sens quâil avait pris Ă la fin de lâAncien RĂ©gime, oĂč il dĂ©signait ce que les anthropologues appellent aujourdâhui le patrilignage17, et pas du tout dans le sens forgĂ© par LĂ©vi-Strauss. 33RĂ©cemment, Pierre Force 2013 a analysĂ© une maison » de la petite noblesse bĂ©arnaise au xviiie siĂšcle, en se fondant sur lâapproche de LĂ©vi-Strauss et en sâaidant des observations de Bourdieu sur la sociĂ©tĂ© bĂ©arnaise. La coutume qui rĂ©gissait le BĂ©arn crĂ©ait un systĂšme Ă maisons » bien plus rĂ©glĂ© que dans dâautres coutumes oĂč la transmission des biens propres Ă un hĂ©ritier unique nâĂ©tait pas complĂšte. Le cas quâil examine, les Lamerenx, lui permet de mettre en Ă©vidence le fait que la relation entre sociĂ©tĂ© Ă maisons » et Ă©migration ici vers lâAmĂ©rique Ă©tait complexe. Si le premier Lamerenx Ă Ă©migrer en 1729 est un cadet, comme les Ă©tudes le disent dâordinaire, en revanche câest un aĂźnĂ© qui part grĂące Ă la mise en vente dâune prairie en 1764 le coĂ»t du voyage vers Saint-Domingue et de lâĂ©quipement Ă©tait estimĂ© Ă 1200 livres tournois. Pierre Force montre que le cadet aurait dĂ» Ă©pouser une hĂ©ritiĂšre, mais il aurait alors créé une dette par la dot sur la maison » que celle-ci nâĂ©tait pas capable de soutenir. LâĂ©migration Ă©tait un choix moins coĂ»teux, mais qui ne se traduisait jamais par un retour par lâintermĂ©diaire dâun Ă©change avec une autre maison ». Pour lâaĂźnĂ©, lâĂ©migration Ă©tait aussi un moyen de faire sa vie en dehors du systĂšme Ă maisons ». Elle provoquait alors, lorsque lâhĂ©ritier laissait la place vide, un conflit entre le principe de filiation le droit dâaĂźnesse et le principe de rĂ©sidence. 34Dans la perspective bĂ©arnaise de Pierre Force, la maison » noble nâest pas diffĂ©rente de la maison » paysanne. Pourtant, la comparaison entre les approches de la maison » dans lâhistoire rurale et dans lâhistoire nobiliaire, par rapport Ă la dĂ©finition de LĂ©vi-Strauss, est instructive. Dans le premier cas, le fonctionnement est pensĂ© dans le cadre de sociĂ©tĂ©s dans lesquelles le rapport entre hĂ©ritage et succession est assez rigide, mĂȘme si Augustins analyse lâexistence de formes marginales de la maison » combinant succession unique et hĂ©ritage sĂ©lectif, voire Ă©galitaire. Les dĂ©finitions proposĂ©es insistent sur le principe de rĂ©sidence dans le mĂ©canisme de parentĂ© et sur la tendance des sociĂ©tĂ©s paysannes Ă©tudiĂ©es Ă une reproduction Ă lâidentique oĂč le nombre des maisons » doit rester stable. 35La situation nâest pas la mĂȘme dans un contexte de compĂ©tition entre les maisons », ce qui est le cas dans la noblesse â chez les Kwakiutl comme en Europe â, oĂč il nây a pas de stabilitĂ© des maisons » mais oĂč elles sâĂ©lĂšvent ou dĂ©clinent en permanence, certaines disparaissant. Dans les sociĂ©tĂ©s rurales, le nombre des maisons » Ă©tait plus ou moins fixĂ© par un consensus social qui passait notamment par la prohibition, dans les faits, du mariage entre hĂ©ritiers. Dans la noblesse, les consĂ©quences Ă©taient diffĂ©rentes selon que la famille choisissait ce que Nassiet 2000 appelle lâ option froide », consistant Ă faire deux hĂ©ritiers reprenant chacun une maison » celle du pĂšre et celle de la mĂšre avec son nom, ou lâ option chaude », consistant Ă fusionner dans un mĂȘme hĂ©ritier les deux patrimoines, lâune des maisons » disparaissant alors pour sâincorporer dans lâautre. 36Les Ă©tudes articulant noblesse et maison » laissent donc devant une double difficultĂ©. La premiĂšre concerne les ambiguĂŻtĂ©s de la notion qui, dans son acception vernaculaire telle quâelle a Ă©voluĂ© Ă la fin de lâAncien RĂ©gime et telle quâelle a Ă©tĂ© le plus souvent comprise par les historiens, porte avec elle lâidĂ©ologie patrilignagĂšre qui a triomphĂ© dans la noblesse aux xviie et xviiie siĂšcles, et ne correspond pas au sens forgĂ© par LĂ©vi-Strauss. Lâhistorien se retrouve confrontĂ© au mĂȘme embarras que lâethnologue, celui du rapport entre le terme forgĂ© par LĂ©vi-Strauss et le terme indigĂšne. La seconde difficultĂ© est de prendre pleinement en compte le rĂŽle de la transmission, donc une approche sociologique et historique, dans le fonctionnement des maisons » nobles, câest-Ă -dire toutes les actions nĂ©cessaires pour les produire et les reproduire comme fictions efficaces. Les perspectives rĂ©centes des anthropologues qui ont travaillĂ© la notion de maison » de ce point de vue permettent de la reprendre afin dâinterprĂ©ter des phĂ©nomĂšnes concernant la noblesse dâAncien RĂ©gime, tout en la distinguant des reprĂ©sentations â Ă©volutives â que la noblesse se faisait dâelle-mĂȘme et du sens quâelle donnait au mot maison ». Nouvelles perspectives anthropologiques et historiques sur la âmaisonâ 37Plusieurs critiques ont Ă©tĂ© formulĂ©es Ă lâencontre du concept de maison » de LĂ©vi-Strauss. La premiĂšre est quâil nâaccorde pas assez de place aux aspects matĂ©riels de la rĂ©sidence. Bourdieu 2000 [1972] a largement contribuĂ© Ă dĂ©velopper cet aspect spatial et matĂ©riel de la maison-foyer dans ses Ă©tudes sur la Kabylie. Ce sont ces rapports entre la signification architecturale, sociale et symbolique de la maison qui ont aussi intĂ©ressĂ© nombre dâanthropologues Ă partir du milieu des annĂ©es 1990 par exemple, Carsten & Hugh-Jones 1995. Les composantes physiques et spirituelles de la valeur dâune maison ancrent les personnes Ă une place et Ă leurs origines ancestrales. Les identitĂ©s des personnes sont ainsi inscrites dans le paysage, la maison physique fonctionnant comme un signe matĂ©riel de la mĂ©moire sociale qui assigne les groupes Ă certains lieux Waterson 2000. Plus rĂ©cemment, Klaus Hamberger 2010 a montrĂ© que la capacitĂ© transformative de lâespace de la maison est une caractĂ©ristique universelle, par laquelle une mĂȘme structure sociale est reprĂ©sentĂ©e simultanĂ©ment ou successivement de plusieurs points de vue. Lâespace de la maison nâest donc pas la simple projection dâoppositions sociales, mais bien, comme le proposait LĂ©vi-Strauss dans sa dĂ©finition, lâobjectivation dâune relation centrĂ©e sur lâalliance. 18 Câest la critique de Bourdieu 1993, valable en fait pour lâensemble des termes de lâanthropologie ... 38Dâautres critiques ont portĂ© sur le fait que cette dĂ©finition objective un concept anthropologique comme institution sociale18, et sur le fait quâelle ne fait pas la part de lâhistoricitĂ© et de lâinstabilitĂ© des processus sociaux de transmission qui rendent problĂ©matique la stabilitĂ© des maisons » et encore plus lâexistence de sociĂ©tĂ©s Ă maisons » Joyce & Gillespie 2000. A aussi Ă©tĂ© contestĂ©e lâidĂ©e Ă©volutionniste dâun passage de sociĂ©tĂ©s organisĂ©es par la parentĂ© Ă des sociĂ©tĂ©s dont les fonctionnements politiques et Ă©conomiques en seraient dĂ©tachĂ©s, idĂ©e infirmĂ©e par les recherches des anthropologues. Godelier insiste sur le fait quâil nây a pas de kin-based society, contrairement Ă ce quâa longtemps affirmĂ© lâanthropologie sociale. Les rapports de parentĂ© au sein de la maison » ne sont pas quâun langage, comme le dit LĂ©vi-Strauss, mais ils fonctionnent rĂ©ellement, concrĂštement, comme des rapports dâappropriation et de transmission des conditions matĂ©rielles et sociales dâexistence des maisons ». Les titres, les rangs, les blasons, les mythes, propriĂ©tĂ©s immatĂ©rielles des maisons », ne sont pas des faits de parentĂ©, ils appartiennent Ă une composante de la sociĂ©tĂ© qui englobe tous les groupes de parentĂ© et les met en permanence Ă son service pour se reproduire le systĂšme politico-rituel, qui fait exister la sociĂ©tĂ© comme telle, comme un tout, et la reprĂ©sente comme telle, comme tout » Godelier 2004 108 ; 2013 208-211. 39Toutes ces critiques portent sur le pĂŽle structural de la dĂ©finition lĂ©vi-straussienne de la maison ». Certains travaux se sont concentrĂ©s sur ce pĂŽle, Ă lâinstar de ceux publiĂ©s par Charles Macdonald pour qui, si la dĂ©finition de la maison » est sans ambiguĂŻtĂ©, lâexpression de sociĂ©tĂ© Ă maison » a lâambition dâappliquer la notion Ă une forme de sociĂ©tĂ©, dâen faire un type de structure sociale. Câest une extension de la dĂ©finition initiale, que les contributions du recueil quâil a dirigĂ© concernant principalement BornĂ©o, les Philippines et les sociĂ©tĂ©s paysannes de Java, entendent tester et mettre Ă lâĂ©preuve. Charles Macdonald 1987 suggĂšre de distinguer la maison » comme groupe concret et la maison-fĂ©tiche » qui serait une reprĂ©sentation issue de la hiĂ©rarchisation de la sociĂ©tĂ©. Le problĂšme dâune telle distinction est prĂ©cisĂ©ment quâelle ruine ce qui fait la force de la notion proposĂ©e par LĂ©vi-Strauss, qui repose sur le lien effectuĂ© entre une institution caractĂ©risĂ©e comme personne morale, les rapports de parentĂ©, et les relations entretenues entre des personnes et des biens matĂ©riels et symboliques constituant un patrimoine. La notion de maison » se dilue alors et devient applicable Ă pratiquement toute sociĂ©tĂ©. 40Au contraire, câest lâautre pĂŽle de la dĂ©finition de LĂ©vi-Strauss, qui insiste sur le processus de transmission et sur les conditions matĂ©rielles et sociales de lâexistence des maisons », ouvrant la voie vers le dĂ©passement du modĂšle structural de la parentĂ©, qui a Ă©tĂ© approfondi par dâautres anthropologues, en renonçant Ă lâessentialisation des catĂ©gories employĂ©es pour se pencher au contraire sur les relations entre les termes anthropologiques et les termes indigĂšnes utilisĂ©s Carsten & Hugh-Jones 1995 1-46 ; McKinnon 1995 ; Gillespie 2000. Cette perspective a amenĂ© Ă considĂ©rer les maisons » dans leurs Ă©volutions afin dâinsister sur les stratĂ©gies permettant dâacquĂ©rir, de conserver et de transmettre les fondements des statuts et du pouvoir. LâidĂ©e est que tous les groupes ne sont pas capables dâutiliser et de stabiliser certaines relations, manifestĂ©es par la parentĂ© et les alliances, de façon Ă perpĂ©tuer un Ă©tat de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Un autre point est lâanalyse de la dimension matĂ©rielle des maisons » ainsi que de leur dimension temporelle il y a un cycle domestique individuel Ă lâintĂ©rieur des maisons » et une des fonctions clĂ©s des maisons » est dâancrer les personnes dans lâespace et de les lier dans le temps. Rosemary Joyce et Susan Gillespie 2000 montrent Ă©galement un intĂ©rĂȘt pour lâidĂ©ologie inhĂ©rente Ă la maison » qui est fondĂ©e sur la profondeur temporelle et valorisĂ©e par des biens hĂ©ritĂ©s qui incarnent une mĂ©moire collective du passĂ©, ou font rĂ©fĂ©rence Ă une origine. Des narrations portent cette profondeur temporelle, ce lien entre passĂ© et prĂ©sent narrations prenant diverses formes et diffĂ©rents supports, pas forcĂ©ment Ă©crits qui est une valeur fondamentale dans ces sociĂ©tĂ©s. Enfin, les analyses doivent prendre en charge le contraste entre lâidĂ©al â portĂ© par les acteurs sociaux â de gĂ©nĂ©ralisation et de concentration de la valeur dans la maison », personne morale, et la particularisation de cette derniĂšre dans des actions individuelles spĂ©cifiques, voire la dispersion de sa valeur, par exemple lors des Ă©changes matrimoniaux qui font sortir certains de ses membres. Cette attention aux actions et aux positions individuelles dans la maison » conduit aussi Ă la réévaluation de la place des femmes, inĂ©gale selon les fonctionnements en maisons » qui, par exemple, favorisent plus ou moins la succession dâune hĂ©ritiĂšre Fauve-Chamoux & Ochiai 2009. 41Câest dans la lignĂ©e de ces travaux qui considĂšrent la maison » Ă la jonction entre un systĂšme de pouvoir et des mĂ©canismes de la parentĂ© qui rĂšglent la transmission du pouvoir, que jâai analysĂ© la noblesse française de la fin du xvie et du xviie siĂšcle, notamment Ă partir du cas des comtes de Belin Haddad 2009a et b. Le contrat de mariage de RenĂ©e dâAverton avec Jean-François de Faudoas en 1582 portait la clause selon laquelle les enfants du mariage reprendraient le nom et les armes de RenĂ©e dâAverton. Son mari, lui, utilisa un blason qui Ă©cartelait les armes de Faudoas et dâAverton. LâĂ©cartelĂ© Ă©tait un signe de lâalliance et il permettait Ă François de Faudoas, issu dâune des familles nobles les plus anciennes de Gascogne, de rendre visible son patrilignage dâappartenance et dâen conserver le nom, tout en reprenant celui de sa femme. En revanche, son fils se conforma strictement aux vĆux de sa mĂšre et ne porta que les armoiries dâAverton. La filiation matrilinĂ©aire lâemportait dans ce cas prĂ©cis â pas complĂštement cependant puisque le nom de dâAverton fut moins utilisĂ© que celui sous lequel fut connu François de Faudoas M. de Belin, du nom de sa principale seigneurie. Nom et blason Ă©taient bien des signes exprimant au mieux des filiations, capables, dĂšs lors quâils Ă©taient transmis, de dĂ©signer des lignĂ©es ; mais ils ne correspondaient pas toujours lâun lâautre, ce qui est un moyen pour lâhistorien dâĂ©valuer des rapports de force au sein de la parentĂ© ainsi que des stratĂ©gies de lâalliance et de la filiation. La transmission dans la noblesse, Ă la fin du xvie siĂšcle, nâĂ©tait pas nĂ©cessairement patrilinĂ©aire. Le cas des Belin est loin dâĂȘtre unique jâen ai trouvĂ© de nombreux autres. 42Les phĂ©nomĂšnes dâalliance et de transmission des biens et des noms chez les comtes de Belin, et plus largement dans lâensemble des familles que jâai analysĂ©es, apparaissent tantĂŽt comme Ă©tant indiffĂ©renciĂ©s, tantĂŽt comme suivant une inflexion patrilinĂ©aire, toujours recouverts par un ensemble de manipulations des discours symboliques qui tentent dâaffirmer la continuitĂ© des biens et du nom. Tous ces Ă©lĂ©ments permettent de caractĂ©riser le systĂšme de la parentĂ© Ă lâĆuvre comme un systĂšme Ă maisons ». Lâexemple des comtes de Belin montre que la constitution dâune maison » nâĂ©tait pas une donnĂ©e acquise pour toute famille nobiliaire, mais que cela nĂ©cessitait au contraire un investissement matĂ©riel et symbolique permanent, une solidaritĂ© entre ses membres et un effort continuĂ© qui seuls permettaient Ă la maison » de se perpĂ©tuer et de jouer son rĂŽle de reproduction â voire dâaccroissement â des positions sociales et des formes de domination. 43Dans le systĂšme Ă maisons », lâaĂźnĂ© est celui qui appartient Ă la terre et Ă qui la terre appartient » Bourdieu 1980 257. Plus gĂ©nĂ©ralement, câest un systĂšme dans lequel les choses possĂšdent les hommes autant quâelles en sont possĂ©dĂ©es. Dans les systĂšmes Ă maisons » paysans, la reproduction sociale est pensĂ©e en fonction dâun critĂšre de communautĂ© de rĂ©sidence, de travail et de patrimoine, et non en fonction dâun critĂšre dâunifiliation Derouet 1995. Mais, dans le cas de la noblesse, la multiplicitĂ© des possessions fonciĂšres amenait les pratiques de transmission Ă ressortir Ă la fois Ă une logique de filiation et Ă une logique de rĂ©sidence, en fonction de lâimportance accordĂ©e Ă la seigneurie possĂ©dĂ©e. Ce qui signifie que la transmission ne sâorganisait autour de la notion de bien inaliĂ©nable, immobilisĂ©, que pour un certain nombre de terres auxquelles la maison » Ă©tait attachĂ©e et sur lesquelles se concentrait lâinvestissement symbolique Haddad 2009a 129-137 et 143-144. Le jeu de la transmission Ă©tait de ce point de vue plus ouvert, et les possibilitĂ©s dâascension et de dĂ©clin plus grandes. 44Les maisons » nâavaient donc rien de stable, elles Ă©voluaient sans cesse au grĂ© des alliances, des apports et des pertes de patrimoine, du nombre dâindividus qui les formaient, des capacitĂ©s dâenracinement dans des seigneuries, des charges possĂ©dĂ©es par leurs membres, des rĂ©ussites ou des Ă©checs des transmissions. De sorte que lâanalyse du phĂ©nomĂšne des maisons » nobiliaires doit prendre en compte toutes ses dimensions, matĂ©rielle, symbolique, temporelle, spatiale et sociale. 19 Ce dĂ©veloppement sâappuie sur lâexposĂ© intitulĂ© âFamilia accipitur in jure pro substantiaâ Barto ... 45Les contemporains ne pensaient pas les choses trĂšs diffĂ©remment. Dâune façon gĂ©nĂ©rale, les auteurs qui, sous lâAncien RĂ©gime, se penchent sur la noblesse, accordent une grande attention aux marques distinctives et de reconnaissance des maisons, et les MĂ©moires Ă©voquent rĂ©guliĂšrement leur anciennetĂ©, leurs alliances, leur honneur, leur illustration au service des rois et leur richesse la substance de la famille suppose des biens, un patrimoine matĂ©riel et symbolique19. Cette conception substantialiste de la famille noble, qui rĂ©unit un nom, des symboles et des individus liĂ©s par la parentĂ©, permet de faire le rapprochement avec la notion anthropologique qui dĂ©signe un corporate group et prend ainsi en charge le rapport complexe entre lâindividu et le collectif qui informe la conception de la parentĂ© nobiliaire Ă lâĂ©poque moderne. De ce point de vue, on peut considĂ©rer quâune maison » Ă©tait de nature crypto-corporative lorsque la solidaritĂ© fonctionnait entre ses membres, une unitĂ© pouvait ĂȘtre créée autour dâun nom, unitĂ© largement identifiĂ©e Ă son chef et qui acquĂ©rait une visibilitĂ© sociale et une capacitĂ© dâaction Weary 1985. 46La notion de maison », considĂ©rĂ©e comme une entitĂ© de nature crypto-corporative, permet de repenser la question des stratĂ©gies sociales Ă©laborĂ©es par les familles et celle de la hiĂ©rarchie sociale en incluant toute la complexitĂ© du rapport individuel/collectif qui se dĂ©ployait au sein des maisons nobiliaires. La hiĂ©rarchie Ă©tait en effet double Ă la fois entre les maisons » et entre les individus au sein des maisons » Lamaison 1979. De plus, la hiĂ©rarchie sociale Ă©tait Ă©galement perçue en fonction de la renommĂ©e de chaque maison », donc de leur histoire, et nâĂ©tait pas le simple rĂ©sultat de classements socio-Ă©conomiques ou politiques. La hiĂ©rarchie des honneurs, le poids symbolique dâun nom entraient Ă©galement en ligne de compte. Ce phĂ©nomĂšne se perçoit dans les mariages, dont lâinĂ©galitĂ© Ă©conomique pouvait ĂȘtre largement compensĂ©e par une inĂ©galitĂ© symbolique inverse. Lâhistorien, lorsquâil se penche sur ces questions de hiĂ©rarchie sociale, doit donc rĂ©introduire dans ses analyses la temporalitĂ©, inscrire les individus dans un cadre collectif et une durĂ©e. 47Le fonctionnement de la parentĂ© nobiliaire amenait Ă crĂ©er un intĂ©rĂȘt collectif qui sâimposait en partie aux membres de la maison » selon leur position Ă lâintĂ©rieur de celle-ci, sans que la dĂ©termination sexuelle entrĂąt obligatoirement en compte. Lâapport des femmes Ă©tait fondamental pour la perpĂ©tuation dâune maison » noble, comme le montrent aussi bien lâexemple des comtes de Belin que ceux des Mesgrigny ou des VassĂ© Haddad 2009a, 2010, 2015. Ces Ă©lĂ©ments combinĂ©s expliquent les variations fortes de pouvoir qui existaient parmi les femmes. Cela nâĂ©tait dâailleurs pas propre Ă celles-ci, les hommes se trouvant aussi dans des situations trĂšs contrastĂ©es selon leur place dans la maison » et la puissance de celle-ci. Les discours avaient beau assimiler le chef de famille et le pĂšre, le fonctionnement de la parentĂ© nobiliaire Ă©tait porteur de pratiques qui octroyaient cette place et le pouvoir qui lâaccompagnait aussi bien aux hommes quâaux femmes. Certes, les hommes Ă©taient plus souvent en mesure dâexercer le pouvoir paternel et dâavoir autoritĂ© sur les femmes. CâĂ©taient dâabord les hĂ©ritiĂšres, principalement les veuves se retrouvant, par les hasards dĂ©mographiques, en situation de chef de famille, et ayant obtenu leur indĂ©pendance juridique, qui Ă©taient dans une position favorable â occurrence quasi structurelle en raison de la diffĂ©rence dâĂąge entre les Ă©poux. Mais les hĂ©ritiĂšres nâĂ©taient pas les seules femmes en mesure dâexercer un pouvoir. Les femmes bien dotĂ©es, dont les biens sâagrĂ©geaient au patrimoine de la maison » dans laquelle elles sâintĂ©graient, qui avaient des enfants et dont le statut social Ă©tait comparable Ă celui de leur mari, pouvaient fort bien jouir de marges dâaction non nĂ©gligeables. 48Lâutilisation de la dĂ©finition de LĂ©vi-Strauss pour la noblesse dâAncien RĂ©gime amĂšne Ă insister sur ce qui lie les relations de parentĂ© Ă tout un ensemble de processus sociaux, Ă©conomiques, Ă la hiĂ©rarchie des statuts, au prestige, au pouvoir, aux droits sur la terre, etc. Bref, elle conduit Ă sâintĂ©resser Ă des interactions permettant dâaboutir Ă une comprĂ©hension de phĂ©nomĂšnes sociologiques dans leurs Ă©volutions et non Ă en rester Ă une simple description structurale de formes de la parentĂ©. On peut dĂšs lors rĂ©investir la notion de catĂ©gorie proposĂ©e par Bourdieu. Lâinterrogation doit porter sur le degrĂ© de rĂ©alisation de la famille et sur qui peut la rĂ©aliser sous forme de maison ». Toutes les familles nâĂ©taient dâailleurs pas tendues vers un tel objectif, et certaines purent faire les frais, sous forme de conflits notamment, de lâeffort Ă consentir pour lâatteindre Chatelain 2008, 2010. Mais câest bien la transmission qui permet de comprendre les enjeux de parentĂ© Ă lâĂ©poque moderne. Dans le cas de la maison », ce patrimoine est le support de la politique de continuitĂ© et le fondement de lâidentitĂ©, il joue le mĂȘme rĂŽle, au niveau du systĂšme, que celui de la filiation dans le systĂšme unilinĂ©aire Derouet 1997b. 49Mais il faut alors sâinterroger sur lâhistoricitĂ© de cette forme de rĂ©alisation de la parentĂ©. Ă partir du cas des comtes de Belin, jâai pu montrer quâil nâest guĂšre possible de suivre les hommes du xviie siĂšcle dans leur tentative pour penser les formes de la parentĂ© de maniĂšre essentialiste et fixiste. Le systĂšme de la maison » lui-mĂȘme connut des Ă©volutions corrĂ©lĂ©es aux changements des pratiques dâalliances et de transmission dans la noblesse, ainsi quâĂ la mutation de la dĂ©finition mĂȘme du second ordre. Le mode de perpĂ©tuation de ce groupe Ă©volua dans le sens dâun renforcement de la contradiction entre le principe de concentration et le principe de pĂ©rennitĂ© Dedieu 1998 qui fondaient les maisons ». Dans les manipulations perpĂ©tuelles qui permettaient aux maisons » de renaĂźtre de leurs cendres, un changement prit place au cours du xviie siĂšcle, la montĂ©e dâune conception Ă©troitement patrilignagĂšre de la noblesse qui ĂŽta au systĂšme sa capacitĂ© dâadaptation, affaiblissant le systĂšme de la maison » Haddad 2009a 368-369. Le renforcement de lâidĂ©ologie patrilignagĂšre trouva son expression officielle dans la dĂ©finition de lâordre nobiliaire imposĂ©e par la monarchie. Il triompha progressivement avec les grandes enquĂȘtes de Colbert et les travaux des gĂ©nĂ©alogistes du roi, Ă partir des annĂ©es 1660. Cette dĂ©finition reposait sur la reconstruction des patrilignĂ©es et sur la transmission de la vertu noble par le sang, tout autant que sur la capacitĂ© du roi Ă anoblir. Or, la conception patrilignagĂšre du second ordre entrait en contradiction avec certaines pratiques qui relevaient du systĂšme Ă maisons », dans lequel la transmission pouvait prendre des formes indiffĂ©renciĂ©es. Cela contribua trĂšs rapidement Ă obscurcir en partie les significations de ces pratiques. DĂšs la fin du xviie siĂšcle, des jugements nĂ©gatifs Ă©taient portĂ©s sur les alliances dans lesquelles les femmes avaient imposĂ© au mari de relever leur nom et leurs armes. Aussi, face aux accidents dĂ©mographiques ou politiques qui furent toujours un rĂ©el risque pour les nobles, les lignĂ©es furent davantage menacĂ©es dâextinction Delille 2003, 2007. 50On peut formuler lâhypothĂšse dâune crise gĂ©nĂ©rale des maisons » comme reprĂ©sentations mĂȘme si, dans les usages sociaux, il y eut persistance des pratiques de manipulation des liens de parentĂ© et des reprĂ©sentations anciennes, qui pouvaient sâaccommoder en partie des Ă©volutions propres au second ordre. Ces Ă©volutions Ă©taient dâailleurs sujettes Ă des contestations ou Ă des comportements qui diffĂ©raient de la norme attendue Descimon 1999. Les inflĂ©chissements patrilinĂ©aires se firent dĂšs la fin de la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale avec le renforcement de lâaĂźnesse liĂ©e Ă la reproduction des dignitĂ©s Clavero 1994 ; Sabean, Teuscher & Mathieu 2007. Mais la patrilinĂ©aritĂ© ne lâemporta jamais complĂštement. Le systĂšme de la maison » ne disparut pas, les manipulations et les formes de transmission ne changeant pas de maniĂšre radicale, mais il sâaffaiblit. De toute façon, la stabilitĂ© nâexistait que dans les reprĂ©sentations dans la pratique, les altĂ©rations Ă©taient permanentes. Le patrilignage affirma sa lĂ©gitimitĂ© idĂ©ologique supĂ©rieure, mais câĂ©tait une construction largement illusoire qui, Ă lâinstar de la maison », doit ĂȘtre Ă©tudiĂ©e comme un ensemble de pratiques et de reprĂ©sentations tendues vers des objectifs de transmission en rapport avec les donnĂ©es sociopolitiques et Ă©conomiques de lâĂ©poque. 51* 20 Pour un contrepoint trĂšs voisin, cf. Christiane Klapisch-Zuber 1990. 21 Lâauteur insiste notamment sur les inĂ©galitĂ©s et les relations dâethnicitĂ© et de genre parmi les Ef ... 52Le dĂ©calage entre le sens prĂ©cis donnĂ© par LĂ©vi-Strauss au mot maison » et son sens Ă lâĂ©poque moderne me conduit Ă utiliser des guillemets chaque fois que jâemploie le terme dans son acception anthropologique. Mais cette diffĂ©rence emic/etic est relative. Les deux significations ont en commun de faire des maisons des entitĂ©s substantielles crypto-corporatives, des corporate groups20. Il me semble quâun des intĂ©rĂȘts de la notion de maison », soutenu par des anthropologues comme Roy Richard Grinker 199421 ou Roxana Waterson 1995, est quâelle permet de faire Ă©merger des phĂ©nomĂšnes qui resteraient cachĂ©s sans cela. Elle a donc une valeur heuristique mais Ă condition de ne pas croire que, par son usage, lâhistorien dĂ©crit une essence sociale ou la nature de la sociĂ©tĂ© nobiliaire. Certes, lâapplication du terme Ă la noblesse dâAncien RĂ©gime ne va pas sans difficultĂ©s, notamment dans le rapport entre le terme anthropologique et la notion utilisĂ©e par les contemporains. Mais les mots ne sont pas la clĂ© ultime de la rĂ©alitĂ©. La maison » chez LĂ©vi-Strauss est une formation sociale qui ne peut sâappliquer Ă toutes les sociĂ©tĂ©s anciennes. Un concept des sciences sociales est un outil pertinent Ă partir du moment oĂč lâon reconnaĂźt ses caractĂ©ristiques essentielles dans une sociĂ©tĂ© que lâon Ă©tudie. Mais lâapplication de cet outil fait nĂ©cessairement travailler le concept mis en relation avec le matĂ©riau empirique chaque sociĂ©tĂ© Ă des propriĂ©tĂ©s particuliĂšres et les phĂ©nomĂšnes observĂ©s ne prennent sens que dans lâensemble des relations auxquelles ils sont articulĂ©s et qui font structure Guerreau-Jalabert 2007. LâhistoricitĂ© rend le concept instable, mais cette instabilitĂ© est Ă la fois la consĂ©quence inĂ©luctable du passage dâune discipline Ă lâautre, dâune mĂ©thode Ă lâautre, et la condition nĂ©cessaire pour faire apparaĂźtre certains fonctionnements dâune sociĂ©tĂ© et leurs Ă©volutions. Elle est productrice de savoir.
Avantde vous dĂ©cider, il est important que vous arriviez Ă faire la diffĂ©rence entre eux. Une maison est une construction indĂ©pendante tandis quâun appartement fait partie dâune maison divisĂ©e en parties indĂ©pendantes. La disponibilitĂ© des espaces intĂ©rieurs et extĂ©rieurs. Les charges de locations et entretien du logement.
Les Marpa sont des maisons de retraite implantĂ©es en milieu rural. ImaginĂ©es par la MutualitĂ© sociale agricole MSA au milieu des annĂ©es 1980, elles ont pour but de permettre aux personnes ĂągĂ©es issues de milieu rural de continuer Ă vivre dans leur environnement familier. Il existe aujourd'hui prĂšs de 130 Marpa. Chaque projet de maison de retraite rurale reçoit le soutien financier dâune caisse de MSA et rĂ©sulte dâun partenariat avec les collectivitĂ©s territoriales. Une fois construite, la maison est gĂ©rĂ©e au quotidien soit par une association Ă but non lucratif, soit par une collectivitĂ© locale. Les Marpa proposent des logements Ă usage privatif et des espaces de vie collectifs, qui sont gĂ©rĂ©s par un responsable de Marpa aidĂ© d'une Ă©quipe de professionnels de la prise en charge des personnes ĂągĂ©es. Elles sont de petite taille une vingtaine de places, et leur mode de fonctionnement implique largement les familles des rĂ©sidents. Les Marpa accueillent aussi bien des personnes valides que des personnes en lĂ©gĂšre perte dâautonomie.
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